Interview de l’ergothérapeute du Pôle APAJH Maroni
Sara ZANZEN est ergothérapeute au pôle APAJH Maroni depuis septembre 2017. Après ses études en Belgique, elle a exercé en psychogériatrie, à l’hôpital de Bruxelles.
En quoi consiste votre métier d’ergothérapeute ?
Au Pôle APAJH Maroni, j’exerce mon métier d’ergothérapeute principalement auprès des enfants polyhandicapés. La prise en charge est centrée autour de l’autonomie et du confort dans les actes de la vie quotidienne. Mon rôle est de favoriser le bien-être physique et psychique de l’enfant et de ses aidants. Cela demande bien évidemment une prise en charge globale, incluant l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire. Ces enfants, malgré un handicap lourd et multifacette, ne sont pas seulement porteur de limitations ; ils ont aussi un potentiel à développer et à découvrir.
Mon objectif est donc de faciliter leur quotidien au maximum. Actuellement, j’accompagne une dizaine d’enfants en situation de polyhandicap. Il m’arrive d’intervenir de façon ponctuelle, au sein de l’équipe qui se charge des déficients visuels.
Comment s’organise votre travail ?
J’effectue des visites à domicile pour observer et évaluer l’enfant dans son environnement. Le but : déterminer ses besoins en matériel au plus près de sa réalité de vie mais également observer son fonctionnement dans son lieu de vie. Ces visites sont également la poursuite d’un des points centraux de notre accompagnement : le lien avec les familles. En plus de cet accompagnement à domicile, je reçois les enfants à l’APAJH pour des séances de rééducation et de réadaptation. Un autre rôle important de l’ergothérapeute concerne le choix et le suivi de l’appareillage, tant dans la collaboration avec l’orthoprothésiste qu’avec la famille afin de faciliter son utilisation à domicile. L’ergothérapeute est l’interface entre le commanditaire (le médecin MPR), le fabricant (l’orthoprothésiste) et la famille. Ainsi, l’appareillage le plus adapté est choisi, au plus proche des besoins de l’enfant.
D’ailleurs, plusieurs projets ont été menés cette année, tant avec des partenaires extérieurs comme le club de voile, qu’avec d’autres membres de l’équipe, afin de proposer aux enfants des activités au plus près de leurs capacités, de leur potentiel et de leurs besoins ainsi que ceux de leur famille.
Quelles activités réalisez-vous avec les jeunes usagers ?
Au pôle APAJH Maroni, nous avons bien évidemment plusieurs groupes d’activité, rejoignant des objectifs variés. Il y a notamment un groupe « Mouvements et sensations » basé sur la stimulation sensorielle et basale ainsi que des séances Snoezelen, au travers desquelles des sensations précises et contrôlées sont proposées aux usagers dans l’objectif d’identifier des sens amenant du réconfort en cas d’agitation ou d’anxiété notamment.
Cette année, nous menons la journée « Go teki winta » (va prendre l’air). Elle a pour but d’accueillir sur une demi-journée plusieurs usagers afin de pouvoir non seulement leur proposer un panel d’activités adaptées, mais aussi pour offrir à leurs parents un temps de répit, un temps pour eux. Depuis 6 mois, nous expérimentons également l’activité voile avec un jeune de 13 ans.
Pouvez-vous nous en dire plus sur cette activité voile ?
Nous avons mis en place cette activité en collaboration avec l’école de voile « Vent d’Ouest ». Les objectifs étaient d’apporter de nouvelles sensations sensorielles et motrices (balancement du bateau, sensation du vent, odeurs du fleuve, …) et de permettre aux usagers de découvrir et explorer un nouvel environnement. Les 2 moniteurs de voile ont suivi une formation « Educateur handivoile » visant l’encadrement des personnes en situation de handicap, organisée par la Fédération Française de Voile. Ils ont pu apprendre certaines notions de communication adaptée, à adapter leur comportement face à un enfant porteur de handicap, apprendre les transferts avec une personne dépendante ainsi que toutes les réglementations spécifiques liées à la sécurité.
Le travail de l’ergothérapeute a été de concevoir une installation sécurisée et sécurisante. Nous avons donc fixé un corset siège sur le bateau. Cela permet à Eric, jeune polyhandicapé, d’augmenter son champ visuel, et représente aussi une enveloppe contenante et sécurisante pour lui. Il arrive quelques fois que les parents ainsi que la fratrie participent à ces sorties sur le fleuve. C’est une opportunité pour l’entourage de voir Eric dans un environnement autre que thérapeutique ou médical et de partager un moment de plaisir, de détente.
Mon rôle en tant qu’ergothérapeute est d’observer l’enfant et de réajuster l’activité en fonction de ses besoins, de ses réactions. Au fur et à mesure des séances, j’ai pu noter une belle évolution dans le comportement d’Eric. Il s’est mis à réagir de plus en plus aux bruits, aux mouvements du bateau, à la sensation du vent, à faire des vocalises de contentement, à explorer son environnement.
Comment mesurez-vous l’efficacité de votre accompagnement ?
L’accompagnement proposé suit les objectifs décidés par la famille et l’équipe et via le Projet Individualisé d’Accompagnement. Les professionnels choisissent les modalités. Des grilles d’observations et des échanges avec les parents permettent d’objectiver l’évolution de l’enfant dans le temps. Il est important de préciser néanmoins, que les enfants porteurs de polyhandicap ont besoin d’un laps de temps important, d’un cadre stable pour intégrer et développer de nouvelles notions.
Avez-vous des défis à surmonter ?
Un de mes principaux défis est celui de la montre. En effet, les besoins sont nombreux au sein du PAM. Or, il n’est pas toujours aisé d’être sur tous les fronts. La différence de culture est un défi autant qu’une richesse. Elle questionne nos représentions de la santé et du handicap et du coup notre place d’accompagnateur auprès de ces enfants et de leur famille.
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